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 Paroles directes shakinnir

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La Béatitude (Histoires en Vrac. Shakinnir)

Il était une fois un roi puissant, chevalier splendide qui dévorait la vie à pleines dents. Il avait un appétit formidable pour les honneurs, les femmes, les ambroisies et les nectars de ce monde. Il n’y avait de rencontre qui ne réveilla en lui des instincts de possession, de domination, des envies de sentir, d’agir, de jouir. Il ne pouvait voir un cheval sans respirer le vent de son galop, une citadelle sans y planter son drapeau, une femme sans s’émouvoir. Il vivait ses sentiments au présent, se laissant aller au flux de ses désirs, qui l’emportaient dans un tourbillon incessant..

Un soir, qu’il revenait, l’armure poudreuse d’une course haletante, jouissant encore de l’aventure malgré sa lassitude, il rencontra un gueux à la croisé des chemins. L’homme était nu, hormis un chiffon et une barbe poussiéreuse. Il était accroupi au milieu de la route, le nez pointé les vers étoiles. Les valets avaient beau tempêter pour qu’il livre le passage, il ne bougeait pas plus qu’un caillou. On aurait pu le croire mort sans le souffle soulevant l’arête de sa poitrine creuse, de sorte que le cheval du roi vint butter du museau contre lui et se mit à renifler sa tignasse incolore.

Les serviteurs reconnaissant un saint homme n’osaient le chasser à coups de bâtons. Le roi se pencha sur l’encolure de sa monture et tendant une corne pleine de vin qu’il tenait à la main: -“Allons mon brave que faites-vous au milieu du chemin?”

Le vieillard toisa le chevalier, le visage sévère: -“Et toi que fais-tu dessus?”

-“ Je passe “ sourit le roi.

-“ Tout passe, tout casse, tout lasse. Vanité des Vanités” reprit le fakir, car c’était un fakir et lettré en plus, qui avait lu les œuvres du roi Salomon.

“Sais- tu au moins qui tu es? Où t’emporte l’agitation de tes courses circulaires? Que fais-tu pour acquérir la sagesse béate de la connaissance ?”

Les valets, qui étaient fatigués et pressés de rentrer chez eux, pressentirent le sermon à rebonds, aussi s’empressèrent-ils de glisser un petit tapis sous le sage séant et le portèrent sans plus de façons sur le bord de la route où il continua de soliloquer.

La suite reprit sa course vers les lumières du château sur la colline. Cependant le roi, au lieu de rire du plaisir escompté et tout proche d’un solide repas et d’une couche molle, restait soucieux. (à suivre)

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