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recits:La Montagne (extraits)

La Montagne(extraits)

Il se rue sur la muraille, s’ y  colle  à bras le corps.  Il la sent lisse et frigide sous ses doigts.

Oui il l’avait toujours su là.

Bien avant qu’il ne lève les yeux et la voit.

Il se souvient:

Gros bébé rond, il jouait entre les jambes des femmes, les yeux à la hauteur des broderies  de  couleurs  bordant  les jupons.

C’était au pays, où la houle des terres réapprend l’horizontale.

Ce devait être jour de lessive, car elles étaient   descendues   par  le   raidillon    de pierrailles, droites sous le fardeau des hardes, jusqu’à la vasque profonde où l’eau du torrent étourdie du saut de sa chute, tourne lentement ses tourbillons, avant de reprendre sa course haletante dans le grondement de la gorge

Elles avaient dénoué les châles de laine retenant  les  marmots sur  leurs  dos et   les gosses, mi-nus, roulaient sur le gazon de la berge.

Il y avait eu l’éclat de cuivre d’un gong, tranchant net le babille des commères, le battement des battoirs sur les pierres plates. Les femmes s’étaient dressées, tendues, roides.

Et elles disaient:  ”La Montagne!”

Inquiet, il s’était agrippé aux jupes de sa mère et elle l’avait hissé à elle, sans le regarder...

 C’est là, que suivant leurs yeux, il avait vu, vraiment vu pour la première fois la Montagne...

Le bronze avait repris son appel, en longues ondes de résonance.

Les femmes, abandonnant  les linges, s’étaient mises à courir, comme on court au glas de la mine, dénombrant  haletantes les noms des absents. Elles s’étaient arrêtées là où le sentier rejoint la piste qui mène vers les pacages d’en haut, cherchant à voir au flanc de la pente  le petit groupe qui revenait vers elles. L’une avait dit, avec une voix étranglée de vieille:

-“ Il y a un brancard. ”

Elles s’étaient remises à avancer, petit à petit, l’une poussant l’autre, puis de plus en plus vite. En arrivant à portée de voix, le grand  Avihou qui marchait en tête de la cordée de retour avait levé les bras en salut, et sa mère, laissant ses compagnes  courir en avant, s’était arrêtée, les jambes tremblantes. Elle l’avait serré très fort, le barbouillant de larmes salées, cachant l’aurore de son sourire dans  le creux  de  son cou.

Lorsque l’homme était arrivé à leur niveau, il l’avait  hissé, avec un grand rire, marmot terrifié et ravi, tout au haut de sa charge.. .Ils étaient revenus vers le village. Ohala tanguant dans la houle cadencée des longues foulées du grimpeur, gloussant sa peur et son  plaisir.

(La Montagne kindle Amazon ou  shakinnir@gmail com

 

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